L'ELEMENT  TERRE

 

Enfant, je voulais être princesse. Je voulais être Sissi.

Mais pas que, je voulais aussi être cavalière de cavalerie, ou alors mousquetaire du roi, mais avec une robe,…longue ! Mais ça n’a pas été possible, le métier était déjà en perte de vitesse…

Ou alors championne du monde de football. Mais en robe sur un terrain de foot c’était pas simple. Et je l’aurais salie.

Je me suis rabattue sur jardinière. Jardinière d’enfants.

Adolescente, mes penchants étaient plus nobles : archéologue, c’était bien ça , archéologue, et ça a duré une paire d’années d’ailleurs ! Et puis ça plaisait à papa, il était fier !

 Puis successivement paléontologue, psychologue, juge, décoratrice d’intérieur, éleveuse de chèvres, tricoteuse, styliste, couturière, inventeuse, chercheuse, voyageuse, guide de haute montagne, ou monitrice de ski, avec leurs beaux anoraks rouges, ça fait un peu cavalerie!

 Puis est arrivé l’âge de l’orientation professionnelle, en fin de collège. Un jour je rentre à la maison est annonce que c’est décidé, je serai luthier ! Ou alors costumière de théâtre.

A moins que ça ne soit ébéniste, comme papa. Mais ça ne plaisait pas à maman… « passe d’abord ton bac, après tu verras bien… »

 Fleuriste, j’aimerais bien être fleuriste…

 Mais jamais, vraiment jamais je n’ai voulu être artiste. Jouer à l’artiste, debout sur une chaise, mimer un comique, singer un chef d’orchestre, imiter Claude Nougaro, mais le dernier des métiers que je voulais faire, c’était artiste… Les artistes sont des saltimbanques, des marginaux, des rêveurs… Des fous aussi ! regardez Van Gogh !

 

 L’élément TERRE, le fil conducteur…

 Née à Arles, j’y vécu une enfance simple et facile jusqu’à l’âge de raison. Au début des années 80, je suis ma famille dans les Alpes, où je poursuis ma scolarité.

 A 15 ans, je tourne en rond. C’est alors que je fais une découverte qui va changer ma vie !. Mon père m’emmène dans une grotte, avec pour simple éclairage une frontale vissée sur mon bonnet. Quelques semaines plus tard, je m’inscris au spéléo club de savoie, une aventure qui durera plus de 25 ans. Je ne le sais pas encore, mais ce sont mes  premiers rapports à la terre.

 J’ai 19 ans, Jeanne née. Je suis mariée, je ne travaille pas et ne me pose pas la question du demain.

A 23 ans, c’est le réveil, une étape à franchir, un pas décisif, j’ai besoin de mon autonomie, de reprendre ma liberté.

Après mon diplôme d’horticulture, obtenu au lycée agricole de Chambéry, je travaille alors en production ou en jardinerie, en passant par les magasins de fleuriste.

C’est durant ces années que je découvre la sculpture. J’intègre alors l’école municipale d’art de Chambéry où je m’initie au modelage, mais ne termine pas l’année, les rapports avec l’enseignant étant assez conflictuels…

C’est de ma rencontre avec Pierre Bonnard, sculpteur céramiste à Albertville, que je tire mon enseignement. Pierre, qui a bien compris mon besoin de liberté et d’indépendance, m’ouvre les portes de son atelier, me laissant libre de ma créativité, sans aucune contrainte académique. A cette période, ma recherche artistique est tout azimut. Je m’essaie au dessin et à l’aquarelle, au modelage, à la sculpture sur pierre entre autre. Mon esprit est tout entier habité par la création. Je squatte les musées, je dilapide les rayons beaux art de la médiathèque…

 En 2003 je crée mon entreprise de plantes aromatiques et médicinales, où j’exerce le métier de « cueilleuse en montagne », terme qui englobe le fait de prélever directement dans la nature les matières premières pour un usage aromatique (ou médicinal) à l’instar des cueilleurs de la préhistoire.

La sculpture est alors mise de côté pour me consacrer à mon exploitation.

 

 L’atelier Funambule, « sculpteur cueilleur ».

 Fin 2012, Dominique, mon compagnon est muté à l’hôpital de Narbonne. L’occasion pour moi de tourner une page professionnelle et géographique… et de revenir auprès de la méditerranée après 30 ans…

J’achète un four d’occasion, l’installe dans la remise au fond du jardin, prend en otage le studio attenant à la maison pour y faire mon atelier, ma décision est prise, et après de nombreuses années de sculpture "amateur" je décide de m’installer professionnellement comme sculpteur. Dominique et Jeanne sont dans la confidence et me soutiennent dans mon projet.

 Je choisis de travailler l’argile. J'aime ce média. Il est rapide, répond à mon impatience. Il n'en reste pas moins une technique pointue où l'art de la cuisson donne à la pièce sa vraie naissance.

Mes sources d’inspiration ne manquent pas : Lilian Bourgeat par son hyperréalisme et sa démesure, Rodin bien sur,  Ousmane Sow, Zao Wou-Ki, Modigliani... Sans oublier les photographes Boubat et Doisneau et l'illustrateur Norman Rockwell qui sont des sources inépuisables de mon inspiration.

Et aussi  Jean-Pierre Petit pour son travail sur le paysage, peintre et ami installé en Haute Loire. Un presque père... De mes souvenirs où adolescente je courrais la campagne autour de Vielprat, dégringolais la montagne pour aller me baigner dans la Loire, en 2018 je décide de me rapprocher de Jean Pierre qui apporte à mon travail un regard bienveillant mais aussi, et surtout, sans complaisance. Je m'installe au Cros de  St Haon, à une volée de kilomètres de Vielprat, dans la montagne de Haute Loire, à la limite de la Lozère et de l'Ardèche. Chemins et prés bordés de pins et de genêts me rappellent inlassablement les peintures et aquarelles du peintre.

Raku et grès et aussi le bronze forgent mon univers sculptural. La matière me guide, de forme en forme. Les corps se végétalisent au fil du temps, puis fleurit le végétal comme lors de mes cueillettes d’antan. Celles d’un autre monde, quand je ne me pensais pas encore tout à fait comme une artiste.

Du figuratif au contemporain, du concept à la forme, entre installation et sculpture, les chemins se croisent encore et encore. J'aime à ce que le visiteur entre, pénètre dans mes installations et s'y promène, s'approprie cet espace laissé libre à la déambulation. Sculpter un paysage... A l'instar du peintre.

Les techniques évoluent, au service de la création. Je ne sais pas faire, j'apprends. La recherche se poursuit. Au fil des années le travail prend des formes hétéroclites, là des fleurs géantes, ici des fillettes en grès patiné, vives et espiègles, aujourd'hui des têtes... quand on s'appelle Martel, on peut bien se mettre Martel en tête..... !

Je chemine, en sécurité dans la démesure des champs de coquelicots qui prolifèrent et grandissent de plus en plus sous notre regard. Pour nous rappeler combien la terre est vivante, précieuse et indépendante.

Aujourd’hui je n’ai pas mon bac, et je ne sais pas si je suis artiste, mais saltimbanque peut être, marginale certainement, rêveuse…beaucoup !

 Funambule sur le fil de la vie, j’avance.

 Bienvenue !

 

 

« Il suivait son idée. C’était une idée fixe, et il s’étonnait de ne pas avancer. » Jacques Prévert